La loi Hamon a limité les remboursements des lunettes à une fois tous les deux ans et en a plafonné les montants. Quel bilan en tirez-vous ?
La consommation d'équipements optiques a diminué et cela a pénalisé tous les opticiens. Le bilan 2017 du ministère de la Santé indique que le nombre de lunettes vendues a diminué de 3 %, à 12 millions de paires. L'espacement dans le temps des renouvellements s'installe. En 2017, le taux des renouvellements de moins de deux ans, qui restent possibles soit parce que les patients paient eux-mêmes, soit parce que leur complémentaire le permet, a été de 24 %. Il était de 35 % en 2014. On voit aussi que le pourcentage des ventes d'un montant supérieur aux plafonds [470 euros pour les corrections simples, 750 pour les corrections complexes, dont 150 euros maximum pour la monture, NDLR] diminue : 9,8 % contre 11,3 % en 2010 pour l'optique simple et 18,2 % à 22,4 % pour l'optique complexe.
En quoi les nouvelles règles pénalisent-elles les opticiens indépendants et comment peuvent-ils réagir ?
L'assurance maladie ne prend en charge que 4 % des 6,1 milliards de dépenses et les assurances complémentaires 73 %. Ces dernières pratiquent de plus en plus le remboursement différencié. Elles disent aux patients : si vous allez dans tel réseau avec lequel nous avons des accords, vous serez mieux remboursé mais la prestation ne sera pas identique. Cela fait naturellement le jeu des chaînes. Le marché a baissé en 2017 et le nombre de magasins est passé de 12 762 à 12 440. Ce qui coûte le plus dans notre métier, c'est le temps passé avec le patient. Pour réagir, les indépendants doivent continuer à prendre le temps de bien traiter leurs clients. 50 % des porteurs de lunettes ressentent une gêne. Il faut la faire disparaître. On peut aussi jouer la carte du multi-équipement avec, par exemple, des verres progressifs d'intérieur adaptés aux bureaux et aux ordinateurs. ll est nécessaire, en tout cas, d'avoir une offre différenciante avec des produits made in France, personnalisés, ainsi que des services nouveaux comme la possibilité de tailler les verres dans la journée.
Que va changer le reste à charge zéro voulu par Emmanuel Macron et qui entrera en vigueur en 2020 ?
Le reste à charge zéro sera une offre bas de gamme. La loi impose 7 montures différentes en trois couleurs. Avec un tarif de 30 euros, les montures viendront de Chine. Les verres seront d'entrée de gamme avec le premier des anti-reflets. Les opticiens pousseront en réalité les patients vers des équipements plus chers à l'instar des enseignes qui proposent aujourd'hui des équipements à 39 euros mais qui vendent des produits en moyenne 7 fois plus onéreux. Le reste à charge zéro est une bonne chose en matière de santé publique. Les gens seront équipés. Mais le reste à charge zéro ce ne sera que le produit CMU avec un anti-reflets. Le danger est que pour avoir un équipement identique à celui qu'elles ont, de nombreuses personnes voient les cotisations de leur complémentaire augmenter. A qualité égale, les lunettes leur reviendront plus cher.
Rédigé par Philippe Bertrand sur les Echos.fr visible ici : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0600368276919-stephanie-dangre-optique-le-reste-a-charge-zero-ce-sera-des-lunettes-cmu-avec-un-anti-reflets-2233811.php